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« Des écritures en Patchwork »
Textes de Marcel
ALOCCO parus de 1965 à 1985
en divers périodiques ou catalogues
Publiés en recueil par les « Z’Editons » d’Alain
Amiel, à Nice en 1987
26.
Carmelo « Madi » Arden Quin
Lorsqu’en 1934, Torres Garcia, qui en 1930 avait été, à Paris,
l’un des responsables de la revue « Cercle et Carré » dirigée
par Michel Seuphor, retourne à Montevideo, Carmelo Arden Quin
est, comme ses amis, imprégné de surréalisme et
de peinture « cubiste » : « La
peinture moderne pour nous, c’était Picasso »,
dit-il. Par ses conférences, et avec sa revue « Circolo
y cuadrado » ‘1936-1943) Torres Garcia va changer
l’orientation de beaucoup de jeunes peintres, parmi lesquels Arden
Quin, qui l’ayant rencontré en 1935, va depuis Buenos-Aires
garder le contact. Moment important car à partir de cette rencontre,
Art Concret, Malevitch, Mondrian, etc… vont nourrir ses rêves.
C’est « qu’il n’y avait pas de galeries
et on ne voyait de la peinture moderne que des reproductions » (1).
J’imagine assez bien ce rapport fantasmé d’un peintre à une
peinture dont il sait l’existence sans en connaître matériellement
le travail ; car c’est un peu par les livres et les revues,
le rapport vécu par ma génération à une grande
part de la peinture américaine (2), avec une passion que ne justifiait
finalement pleinement que la découverte dans ce rêve de
nos propres projets, en fin de compte, il me semble, dans l’itinéraire
suivi par quelques-uns d’entre nous, singulièrement différents
de ce modèle imaginaire. De la même manière, Arden
Quin rêve, et s’éloigne, peut-être en partie
sans le savoir, de ce qu’il croit poursuivre. (Aussi bien, poursuivre
est-ce « pour rejoindre » et pour dépasser…).
Suprématisme et constructivisme ont depuis plus d’un demi-siècle
fécondé des courants divers : mais François
Pluchart souligne justement que « Contrairement à tous
ses devanciers, Arden Quin a tenté d’emblée de réfuter
l’interdit qui jusque là condamnait la peinture au rectangle
afin d’atteindre à une peinture non représentative
libérée du cadre, de la fenêtre, donc du schéma
perspectif… » (3). Travail de la surface par les
rapports de couleurs mais aussi par les découpes, les lacunes
internes, les matières, etc… ; « l’objet « madique » doit être
constitué de corps sur lesquels la lumière se reflète
comme, outre ceux que nous avons déjà cités (verre,
plexiglass…) les métaux chromés et polis, et ceux
que pénètre la lumière comme les ensembles de fils,
de verres, de matières plastiques transparentes, constituant des
vides spatiaux. Et finalement, complétant le tout, la lumière
et le mouvement réels » (4) écrit Arden
Quin en 1955.
Texte dont, surtout dans ce court extrait, on perçoit la visée
essentiellement « optique » ou « cinétique » mais
qui, surtout quand on le confronte à la production contemporaine
du peintre (tableaux trapézoïdaux à surface galbée
(1946) tableaux mobiles articulés avec formes interchangeables
(« copoplanes », 1946) « transparences » à formes
mobiles, tableaux objets, en plexiglass (1947)…paraît énoncer
et établir dans la pratique la démarche qu’à partir
de 1960, un Franck Stella, parmi d’autres, va imposer — avec
la force que lui donnait les dimensions et l’impact publicitaire
américains des années soixante !
Quand en 1967, après avoir été longtemps lecteur
réciproquement de nos publications, (ailleurs, Identités,
Open) nous nous sommes enfin rencontré (5), bien que Carmelo Arden
Quin ait partagé depuis des années son temps entre Paris
et Nice, j’ignorais encore presque tout de sa peinture. Découvrir
alors en son domicile niçois les pièces qui avaient, en
France, et semble-t-il sans produire beaucoup de suites concrètes,
figuré dans les salles MADI des Salons des « Réalités
Nouvelles » de 1949 à 1954, ne pouvait qu’impressionner
vivement un peintre auquel, dans un contexte il est vrai fort différent,
surtout sur le plan théorique, ces préoccupations ne pouvait
pas être étrangères.
Dans le mouvement MADI, et autour, à Buenos-Aires et ensuite à Paris,
il se trouvera d’autres artistes pour explorer une voie similaire
(6) ; mais si Arden Quin en vient parfois à un aspect minimal
ou à des compositions que chez ses compagnons de route déboucheront
généralement sur l’art « optique » ou « cinétique »,
son attachement au travail de la couleur, sa recherche de subtiles nuances,
entre autres, lui conserve une place plus picturale et singulière.
Et puisque Carmelo m’annonce qu’il donnera un petit air rétrospectif à l’exposition
de cet été avec au plus loin une toile « cubiste » de
1934 (peinte donc quand il avait 21 ans), on ne peut qu’inviter à juger
sur pièces de l’itinéraire et des couleurs d’Arden
Quin.
Nice, mai1978
- Voir « Arden Quin : la forme réinventée » dans Canal n°3
mais 1977, par Sylvain Lecombre.
- Voir, propos similaire, Artitudes n°24, juin 1975 ? « Une
démarche en crabe » page 39 : « l’influence
s’exerçait surtout par la reproduction photo… »
- « La synthèse d’Arden Quin »,
par François Pluchart, dasn Info-artitudes n°18, mai 1977.
- Dans « Artistas Abstractos » par
Aldo Pellegrini, Editions Cercle international d’art. Paris – Buenos-Aires
1955.
- Ce qui explique que Carmelo Arden Quin ait été avec
Raphaël Monticelli et moi-même co-rédacteur du
manifeste « INterVENTION A »(octobre
1968) qui reçut les signatures de : Amanda, Philippe
Chartron, Noël Dolla, Henri Giordan, Patrick Saytour et Claude
Viallat.
- La revue « Robho » n°3 (printemps
1968) consacrait 4 pages 30x40, abondamment illustrées au
travail de Carmelo Arden Quin et de « Madi ».
Publié dans le catalogue Galerie De La Salle, juillet
1978 et N/D.L.R. n°3/4 novembre 1986
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