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« Des écritures en Patchwork »
Textes de Marcel
ALOCCO parus de 1965 à 1985
en divers périodiques ou catalogues
Publiés en recueil par les « Z’Editons » d’Alain
Amiel, à Nice en 1987
4.
Un livre méconnu
Topographie anecdotée du hasard de
Daniel Spoerri (Gal. Lawrence 1962)
La publication en anglais par Something Else Press (New York, Cologne,
Paris 1966) d’une version augmentée de nombreux commentaires
du traducteur (Emmet Williams) et d’illustrations charmantes, mais
superflues dans un tel ouvrage, de Topor, remet en lumière un
livre important et jusqu’à ce jour trop peu connu.
Apparemment il s’agit d’un inventaire : l’auteur
arrête le temps au 17 octobre 1961 à 15h47 et lève
sur papier calque la « topographie » d’une
table chargée par les hasards de la vie domestique et professionnelle
des objets les plus divers. L’opération fait naître
un ordre arbitraire, chaque objet reçoit un numéro de référence à partir
duquel l’auteur va s’efforcer de la caractériser.
On pourrait assimiler cette tentative à celle du Nouveau Roman,
mais ici l’objet ne devient jamais sujet, il n’existe que
par ses rapports avec l’extérieur qui vont l’extraire
pour le regard et la pensée de la série industrielle originelle.
Nous trouvons par exemple en n°11 : » Boite de semoule
de sucre, en carton, marque Lebaudy-Sommier, qui a servi à sucrer
le café du petit déjeuner avec Bremer et Steiger ».
Les rapports anecdotiques entre les personnes citées et les événements
qui les concernent, en fonction de l’auteur, vont ainsi se préciser
d’objet en objet, ceux-ci n’étant plus que les supports
prétextes « à voir », indique dans
son introduction Daniel Spoerri, « ce qu’ils éveilleraient
en moi en les décrivant ». L’objet joue donc
un rôle de médium et peu à peu se révèlent
les rapports existant entre les objets hétéroclites, une
chaîne se crée qui rend nécessaire la citation intégrale
de tous les textes, lettres, propos, étiquettes, formules, modes
d’emploi, articles de dictionnaire, etc… qui pour l’auteur
signifient l’objet présent. C’est ainsi qu’est
naturellement transcrite dans sa forme spontanée "une conversation
piégée presque au hasard sur magnétophone",
durant laquelle Daniel Spoerri et Robert Filliou examinent les modalités
d’application et les significations possibles du projet de « topographie »,
ce qui donne par exemple :
R : Non mais c’est ça l’équivalent tu
vois, si je soulevais quelque chose il y a quelque chose qui est bien,
je le soulève, je le mets contre le mur, tout tombe, mais à,
au moment où j’y ai pensé, ça…
D : Oui il faut que ça tombe.
R : Au moment où j’y ai pensé ça voulait
dire quelque chose, pour moi, mais à présent plus grand-chose,
alors ça se casse et…
D : et ça c’est dommage que les yeux…
Nous savons que cette nécessité de collage-document est
aujourd’hui intégré à la technique des jeunes
romanciers dans la lignée des James Joyce, Malcolm Lowry, Claude
Simon (tels J.M. Le Clézio, ou Pierre-Paul Bracco, dont les dialogues
possèdent les qualités orales et le trébuchement
de la phrase caractéristique des conversations enregistrées à l’insu
des parleurs). Il nous paraît donc souhaitable de posséder
bientôt une réédition de la version française,
dans sa vigoureuse simplicité originelle, qui mette en évidence
l’apport du Nouveau-Réalisme plastique et littéraire
dont Daniel Spoerri est l’un des plus marquants créateurs.
OPEN n°1, février 1967
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