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« Des écritures en Patchwork »
Textes de Marcel
ALOCCO parus de 1965 à 1985
en divers périodiques ou catalogues
Publiés en recueil par les « Z’Editons » d’Alain
Amiel, à Nice en 1987
8.
Une revue de Poésie
La poésie vivante peut-être schématiquement divisée
en trois tendances : une poésie Traditionnelle, comptant
sur l’infinie possibilité d’expressivité de
la langue usuelle, et dont le courant actuellement le plus vigoureux
se distingue – jusque dans l’emploi de l’imaginaire– par
le souci de mettre en valeur l’action, le vécu, aux dépens
de la description et de le rêverie (des Surréalistes, à Godeau,
Venaille, Biga…), tandis que persiste un courant sclérosé assimilant
la poésie à un jeu de société et dont l’instrument
idéal est la langue morte du 17 ième siècle. ;
d’autre part, une poésie de Recherche, qui s’attaque
aux structures même de la langue [de Queneau et Norge, en passant
par les disciple de J. Joyce et les poètes dits structuralistes,
jusqu’aux Spatialistes (1) ] ; enfin une poésie Expérimentale
(2), qui se détache de la langue pour travailler sur un matériau
linguistique, les sons, les lettres, le graphisme, l’image, etc.,
abolissant les limites conventionnelles entre poésie, arts plastiques,
musique…
La revue Approches, dont le troisième numéro
vient de paraître, réunit dans ses sommaires, auxquels figurent
des créateurs de toutes nationalités, des œuvres
Expérimentales et de Recherche : ainsi parmi ceux qui représentent
des orientations originales, l’Anglais John Furnival, l’Américain
Ken Friedman, le Hiollandais Vanderlinde, le Japonais Mieko Shiomi, le
Sociétique V.Neretchnikov, les Italien Daniela Palazzoli (3) et
G.E. Simonetti, et les animateurs français de la revue, Julien
Blaine et J-L. Bory. Autant dire que la revue se caractérise davantage
par la diversité de ses collaborateurs que par une unité autre
que l’ouverture, et demande à ses lecteurs un effort de
participation et d’assimilation assez considérable. La démarche
esthétique qu’illustre Approches a été dans
ses fondements analysée par Umberto Eco, sous le nom d’Oeuvre
Ouverte (4) s’appliquant à des compositions établies
sur le principe de la pluralité de lecture : composition
musicale don,t les parties sont à enchaîner et parfois à compléter
selon le choix des interprètes, sculptures mobiles, toiles variables,
ambivalences sémantiques dont le Finnigans Wake de James Joyces
a fourni quelques modèles, « Events » (courtes
pièces théâtro-picturo- musicales) crées par
le mouvement Fluxus, et même Happening, action indéterminées
soumises à l’influence et à l’interprétation
de chaque participant.
Tout ce que présente Approches (5) n’est
pas d’un niveau égal : mais il est certain qu’une
part, et probablement pas des moins importantes, des œuvres caractéristiques
de notre temps s’élabore conformément à son
orientation esthétique. Il serait de toute façon fort regrettable
que, à priori, et par manque d’information, cette orientation
soit jugée négligeable.
(1) Voir la revue « Les lettres » dirigée
par Pierre Garnier, andré Silvaire Ed. 20 rue Domat, Paris 5°.
(2) On peut distinguer une multitude de tendances : Poésies
Concrète, Phonétique, Objective, Visuelle, etc.
(3) Dirige, entre autres activités, la revue « Bit » (nom
de l’unité d’information), revue de l’avant-garde
en Italie, qui paraît en livraison bilingue, italien-anglais (Via
Piolti de Bianchi 19, 20129 Milan)
(4) « L’Œuvre Ouverte », par Umberto
Eco (« Opéra aperta », Bompiani, Milan,
1962) traduction française dans la collection « Pierres
Vives », Editions du Seuil.
(5) Approches : 11 rue Cognac-Jay, Paris 7° et
16 rue de la Glacière, Paris 13°.
Le Patriote-Côte-d’Azur, 15/21 juillet 1968,
n°38. |